Le titre de Père : Analyse biblique et théologique
Dans les débats sur le titre de « Père » attribué aux prêtres, tous ceux qui interviennent sur cette appellation fondent uniquement leurs réflexions sur la parole du Christ : « Ne donnez à personne sur terre le nom de père, car vous n’avez qu’un seul Père, celui qui est aux cieux. » (Mt 23,9). Pour mieux comprendre le titre de père, qu’on donne à des ministres ordonnés dans l’Église catholique, il faut remonter dans la tradition de l’Église.
- Au niveau historique
Entre le 2ᵉ et le 3ᵉ siècle, le mot papa apparaîtra dans le langage des chrétiens pour nommer les évêques et les défenseurs de la foi. C’est dans ce contexte d’implantation de l’Église et de la défense de la vraie foi que naîtra l’expression Pères de l’Église, pour désigner tous ceux qui aidaient les chrétiens à professer la vraie foi, face aux empereurs et aux hérétiques. C’est à partir de cette période que l’on a commencée surtout en Orient à appeler les évêques : Papa qui est un mot latin qui signifie : Père. Ensuite ce titre papa est devenu le titre de tous les évêques de l’oikoumené (la terre habitée).
Raison pour laquelle chez les coptes orthodoxes jusqu’aujourd’hui, tous les évêques s’appellent : Amba, c’est-à-dire papa, père. À partir du IVᵉ siècle, les occidentaux tenteront d’attribuer uniquement à l’évêque de Rome ce titre. Et depuis le second millénaire, ce titre est réservé en Occident seulement à l’évêque de Rome : Pape, puisqu’il est l’évêque de la ville où Pierre et Paul ont versé leur sang pour que le kérygme soit annoncé dans le monde. Pourquoi les évêques étaient appelés papa ou père ? - La Bible
Notons qu’après la Pentecôte, dans le livre des actes des apôtres et dans les épîtres, les apôtres et leurs disciples fondaient des communautés chrétiennes, des Églises. Ils étaient considérés comme les Pères des premiers chrétiens puisqu’ils détenaient le dépôt de la foi, enseignaient et faisaient vivre la communauté. Nous avons Paul qui fonda plusieurs Églises : Corinthe, Éphèse. Pierre va fonder l’Église de Rome, Marc crée l’Église d’Alexandrie, etc. Ces apôtres fondateurs de communautés étaient considérés comme des Pères dans la foi. Car ils étaient les responsables des communautés. Raison pour laquelle Paul appelait les membres de ses communautés : Mes fils, Mes enfants, Mes petits enfants (Gal 4,19 ; 1Jn 2,1). Si Paul appelait déjà les chrétiens de sa communauté mes petits enfants et mes enfants, c’est qu’on l’appelait déjà : père et même grand-père. Les premiers chrétiens connaissaient bien le récit dans lequel Jésus interdisait l’appellation de Père, pourtant ils appelaient les apôtres Pères et ces derniers acceptaient cette nomination. - La tradition
Après la mort des apôtres, il fallait réorganiser les communautés chrétiennes. On passe à ce qu’on appelle le mono-épiscopat avec à la tête des communautés chrétiennes : un évêque et son presbyterium. L’évêque, successeur des apôtres, devient le Père parce qu’il est à la tête des communautés chrétiennes et continue la charge des apôtres. Son rôle est de défendre la foi et de paître le troupeau ecclésial. Et pendant la grande persécution des premiers chrétiens, les évêques ont donné leur vie pour les communautés. Ils ont joué le rôle de Père. C’est pourquoi dans les premiers conciles, les évêques sont appelés : « Pères conciliaires ». - Au niveau théologique
L’autre aspect qu’il faut relever se situe au niveau du sacrement de l’ordre. Il convient de relever que par le sacrement de l’ordre qui permet à l’évêque de porter la charge épiscopale et de devenir le successeur des apôtres, ce dernier devient le Père des chrétiens du diocèse, le premier berger parce qu’il est la tête de cette communauté.
Étant donné que par le même sacrement de l’ordre et mandaté par l’évêque, le prêtre est au service d’une communauté paroissiale, il devient Père de cette communauté. L’autre élément théologique qu’il faut relever, c’est la présidence de l’assemblée eucharistique. Le prêtre préside la célébration eucharistique. Par sa place de présidence, il est le Père spirituel de toute la communauté chrétienne, car il offre la prière, il tient lieu de la présence du Christ qui est le vrai prêtre, l’autel et la victime. La présidence eucharistique est un élément important dans l’appellation du prêtre : Père. Cette présidence qui fait de lui la tête de la communauté paroissiale, le Père, se traduit au niveau liturgique par la position du célébrant principal pendant la messe, mais aussi dans l’architecture de l’Eglise avec toujours l’autel comme tête. - Au niveau spirituel
Le prêtre, en tant que ministre ordinaire du baptême, fait naître spirituellement dans l’Eglise par l’eau au nom de la Trinité. À l’instar des Pères biologiques qui font naître les enfants dans une famille, le prêtre joue ce rôle au niveau spirituel. Le baptême crée un lien indissoluble entre l’Eglise et ses enfants. C’est le prêtre qui fait naître au nom de la Trinité de qui il reçoit ce pouvoir qui est lié au Père des cieux.
Que retenir ?
Le titre de Père dans l’Eglise a un sens biblique, historique, théologique et spirituel. Ce n’est pas une simple formalité ou un effet de mode. Comme j’aime le dire chaque fois à partir des Instructions de l’Eglise, chaque titre dans l’Eglise a des fondements bibliques, théologiques et historiques, voilà pourquoi on ne s’attribue pas un titre parce que le son est bon, le titre est ronflant ou parce que cela donne des honneurs ou ouvre des portes.. Et l’Eglise interdit aux fidèles laïcs les titres qui peuvent créer des confusions avec ceux portés par les ministres ordonnés et les religieux. Ce n’est pas de la discrimination, c’est de l’ordre.
Dans l’Eglise catholique, un titre fait appel à une mission, une charge donnée par l’Eglise. On obtient pas de titres ou on ne s’attribue pas de titres de manière clandestine ou de manière officieuse. Il y a des titres surtout chez les fidèles laïcs qu’on ne porte que pour une durée bien déterminée selon le mandat reçu de l’évêque et selon les statuts du groupe ou de la communauté.
En résumé, lorsque Jésus interdit l’appellation de père, il veut simplement dire que personne ne doit prétendre égaler la souveraineté de Dieu Père, dans son être de Créateur et dans sa puissance de Père.
Les ordonnés doivent, comme les apôtres et les premiers évêques fondateurs de communautés se mettre au service de ceux qui sont leurs fils spirituels et non usés de ce titre pour s’égaler au seul Père qui est dans les cieux. Les ministres ordonnés ne doivent donc pas portés des titres pour les honneurs, ou pour écraser. Le titre de Père est porté pour agir dans le sens du Père céleste, mais surtout pour montrer aux fidèles le visage d’amour du Dieu Père.
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Père Marius Hervé Djadji
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