Père Djadji parle de l’infaillibilité du Pape
Qu’est ce que l’infaillibilité ?
Le mot infaillibilité vient du Latin infallibilas qui se traduit par l’incapacité de commettre une erreur.
L’infaillibilité c’est la croyance en l’Esprit Saint qui protégerait l’Eglise d’erreurs en ce qui concerne la doctrine et les mœurs. L’Eglise du Christ ne peut pas faillir, ne peut pas se tromper dans l’annonce de l’Evangile puisqu’elle est assistée du Saint-Esprit. Elle découle de la Trinité Sainte qui ne peut pas se tromper.
Donc quand on parle de l’infaillibilité du Pape, on parle d’abord de l’infaillibilité de Dieu et de l’infaillibilité de l’Eglise. C’est à dire que la parole officielle de tout le peuple de Dieu, la parole de toute L’Eglise universelle ne sera pas en contradiction avec la parole de Dieu.
L’infaillibilité pontificale, c’est que le pape ne se trompe pas quand il parle en tant que pasteur universel, concernant les enseignements sur la foi et les mœurs. L’infaillibilité est un don du Saint-Esprit donc ce n’est pas lié à la qualité d’une personne car tout homme est faillible. Ce don que l’Esprit Saint fait à l’Eglise est fait aux successeurs des apôtres et à leur chef le pape qui sont les gardiens, les surveillants de l’enseignement de l’Eglise.
Mais cette grâce est faite à titre personnel au Pape successeur de Pierre à qui le Christ a confié son Eglise.
Est-ce qu’il y a des critères pour qu’il y ait L’infaillibilité ?
Le Concile Vatican II dans le prolongement du Concile Vatican I ( Constitution dogmatique Pastor aetermus) définit les critères (Cf Lumen Gentium 25):
-Le Pape doit parler ex cathedra c’est à dire de manière solennelle, avec autorité, à partir de la chair, il doit parler non pas seulement comme évêque de Rome, primat d’Italie, mais en tant que pasteur universel, Docteur de tous les chrétiens. C’est à dire que ce qu’il va dire n’est pas son point de vue théologique privé. Ce n’est pas sa petite pensée. Ce qu’il dit doit être en accord avec la foi et la révélation.
-Il doit parler en tant que successeur de Pierre donc avec son autorité apostolique. Il use de son pouvoir reçu des apôtres pour parler d’une question universelle. Il ne s’agit pas d’un fait particulier.
-Il doit parler sans douter: c’est à dire qu’il doit parler avec foi et vérité. Il doit exprimer clairement son intention de formuler un enseignement dogmatique, définitif et irrevocable.
-Ce qu’il dit doit concerner la foi et les mœurs. Donc on ne parle pas ici des affaires politiques et économiques. A ce niveau l’enseignement du Pape n’est pas forcément infaillible.
-Il doit parler sous l’assistance du Saint-Esprit. Au niveau spirituel, il doit être assisté par le Saint-Esprit. Et l’assistance de l’Esprit ne s’étend pas à n’importe quel sujet. L’assistance du Saint-Esprit ne veut pas dire qu’il ne consulte pas les experts.
NB : Lorsque le Pape remplit tous ces critères dans l’enseignement, ce qu’il proclame s’impose de lui-même, et n’a pas besoin d’approbation d’autrui et personne ne peut faire appel.
Tout ce que dit le pape n’est donc pas lier à son infaillibilité ?
Non. Quand le pape parle dans un avion, dans son homélie, dans une lettre encyclique, quand il approuve un document, quand il fait un discours dans un pays, on ne parle pas d’infaillibilité ici. Mais cela ne veut pas dire que ce qu’il dit n’a pas d’autorité. Seulement en fonction des textes, ce qu’il dit peut être sujet à debat.
Les papes ont usé de leur droit d’infaillibilité combien de fois?
Le dogme de L’infaillibilité a été défini en 1870 au Concile Vatican I. Mais c’est seulement en 1950 que pour la première fois un Pape, Pie XII a usé de L’infaillibilité en déclarant le dogme de l’assomption.
Donc Jean XXIII, Paul VI, Jean Paul 1er, Jean Paul II et Benoît XVI n’ont pas utilisé L’infaillibilité pour définir un enseignement. Même lorsque l’enseignement de Paul VI sur Humanea Vitæ, sur la régulation des naissances en 1968, a été attaqué, il n’a pas usé de son infaillibilité pour imposer un enseignement. Il a accepté le débat. Donc les papes n’usent pas chaque matin l’infaillibilité pour s’imposer. Ils ne sont pas comme nos chefs d’Etat qui utilisent à tout moment des articles et decrets pour faire passer leurs idées.
Seulement on peut déceler l’infaillibilité au niveau de la décision de Jean Paul II en 1995 sur l’ordination sacerdotale réservée aux hommes. Il n’a pas usé de L’infaillibilité mais le caractère du message l’exprime. Et la Congrégation pour la doctrine de la foi a affirmé que la doctrine est proposée de manière infaillible.
Comment cela fonctionne quand le pape doit utiliser l’infaillibilité ?
Retenez que dans l’Eglise chaque évêque représente un diocèse donc une Eglise locale. Le pape interroge tous les évêques du monde.
Il reçoit leurs avis. Ses experts reflechissent accompagnés de la prière du peuple de Dieu. C’est ce que le pape Pie XII a fait concernant le dogme de l’assomption.
Est-ce que c’est le pape seul qui est infaillible?
Dans l’Eglise lorsque tous les évêques même à distance en communion avec le Pape et sous son autorité donnent un enseignement, ils jouissent de l’infaillibilité. Et cela s’exprime de manière concrète lors des conciles œcuméniques.
Voilà pourquoi du concile de Nicée 325 jusqu’au concile Vatican II, 1962-1965, ce que les 21 conciles œcuméniques ont décidé s’impose à toute l’Eglise. On débat seulement pour mieux les interpréter et les expliquer de générations en générations.
D’où vient le pouvoir de l’infaillibilité ?
Tout d’abord c’est une question de foi. Nous définissons l’Eglise comme Eclesia qui signifie l’assemblée de ceux qui ont répondu à l’appel de Dieu.
Donc quand on parle d’Eglise, il y a Dieu qui appelle et l’homme qui répond. Il y a l’invisible et le visible. L’Eglise découle donc de Dieu. A partir de ce principe se dessine déjà l’infaillibilité. C’est Dieu qui est infaillible sinon l’homme est faillible. C’est Dieu qui est saint, l’homme est pécheur. C’est donc Dieu qui comble l’Eglise de son infaillibilité. C’est tout le peuple de Dieu, depuis le pape jusqu’au dernier petit baptisé qui est infaillible, parce qu’assisté du Saint-Esprit et du Christ qui a dit: Je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin des temps. L’Eglise jouit donc de l’infaillibilité de Dieu, puisque la tête invisible de l’Eglise c’est le Christ selon l’ecclésiologie de Paul dans sa 1ère lettre aux Corinthiens.
D’où vient l’infaillibilité du Pape ?
Le Pape jouit lui, de l’infaillibilité de l’Eglise. Puisque le pape est la tête visible de L’Eglise, pasteur suprême et universel, son pouvoir d’infaillibilité provient de l’Eglise. C’est pourquoi le pape doit être toujours en communion avec l’Eglise.
Il y a donc trois infaillibilités, celle de Dieu, de l’Eglise et du Pape?
Si vous suivez bien la trajectoire de mon balbutiement vous verrez qu’il n’existe qu’une seule infaillibilité qui est celle de Dieu. L’Eglise jouit de l’infaillibilité de Dieu et le Pape jouit de l’infaillibilité de l’Eglise donc du coup, toute infaillibilité découle de Dieu. C’est ce que j’appelle l’infaillibilité communionnelle.
Pour comprendre l’infaillibilité il ne faut pas isoler les entités. Il ne faut pas réfléchir sur l’infaillibilité du Pape en l’isolant de l’Eglise. C’est ce qui crée des incompréhensions et des débats venant de ceux qui ne comprennent pas le mystère de la communion dans l’Eglise.
Le document Confiance Suppliante ne jouit-il pas de l’infaillibilité pontificale?
Non. Comme je m’attele à expliquer, le document en lui-même nous montre qu’il est soumis aux réactions.
Le Pape n’a pas usé de son infaillibilité. Il n’impose pas un enseignement à toutes les Églises locales. Les déclarations il en existe des centaines discutables.
Que retenir ?
Il ne faut pas voir l’infaillibilité du Pape partout. Il ne faut pas avoir peur de l’infaillibilité. J’ai l’impression que plusieurs catholiques ont peur de l’infaillibilité.
Ils la considèrent comme un instrument de coercition. Non, il ne faut pas comprendre l’infaillibilité dans ce sens. Il faut voir l’infaillibilité dans le sens d’un instrument au service de l’Eglise, de tous les fidèles du Christ et du monde. C’est ce que nous pratiquons tous, c’est notre foi, notre spiritualité commune pratiquée que le Pape déclare infaillible. C’est le cas de l’assomption. C’est parce que depuis des siècles, cette foi était vécue par le peuple de Dieu qu’elle est devenue un enseignement infaillible.
Il faut toujours noter qu’en dehors des enseignements de la parole de Dieu qui s’imposent à partir de la Révélation, beaucoup de doctrines de l’Eglise viennent du bas d’abord et non des autorités. La hiérarchie prend acte de ce que vit le peuple puis inspirée par le Saint-Esprit qui conduit l’Eglise à la vérité toute entière, elle proclame l’enseignement.
Voici quelques textes qui parlent de l’assistance de l’Eglise et de ses pasteurs par Dieu (Mt 28,20; Jn 14,16; 1 Tim 3,15; Lc 22,32; Jn 21,15; Jn 1,42; Mt 16,16).
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Père Marius Hervé Djadji
Prêtre du diocèse de Yopougon (Côte d’Ivoire), Docteur et professeur de théologie
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