Exhortation-Carême (1) : “Je pardonne, mais je n’oublie pas” : Cette parole est-elle chrétienne ?

En cette troisième exhortation, j’aimerais aborder la question du pardon et de l’oubli. Est-ce que le pardon et l’oubli sont-ils liés d’un point de vue spirituel ?

”Le Pardon et l’oubli”

Dans la Bible, à plusieurs reprises, Israël demande à Dieu d’oublier ses péchés d’autrefois, de ne pas se rappeler de ses fautes. Israël demande cela à Dieu (Isaïe 64,9) : “Ne t’irrite pas à l’extrême, ô Éternel, Et ne te souviens pas à toujours du crime ; Regarde donc, nous sommes tous ton peuple”.
Dans le psaume 25, Israël demande à Dieu d’oublier ses fautes de jeunesse.
Dans Ézéchiel 18:22, Dieu répond à Israël en affirmant que toutes les transgressions qu’il a commises seront oubliées ; il vivra à cause de la justice qu’il a pratiquée.
Jérémie 31:34, Dieu dit : ” je ne me souviendrai plus de leur péché”.
Donc dans la Bible, Israël ne dit pas seulement à Dieu de lui pardonner, mais il demande aussi que Dieu oublie son mal, son péché. Et Dieu se présente comme celui qui pardonne et qui oublie. Par conséquent, nous estimons qu’il y a un lien intime au niveau spirituel entre le pardon et l’oubli. Si le Dieu d’Israël est celui qui pardonne et qui oublie, ce n’est pas parce qu’il est un Dieu malade, un Dieu qui est amnésique. Non, c’est sa miséricorde qui va au-delà-de tout.
La différence du pardon entre le Dieu d’Israël et les autres divinités, c’est que Yahvé pardonne et oublie, alors que les divinités païennes pardonnent, mais n’oublient pas. Dès lors, ce modèle de pardon de Yahvé est-ce modèle auquel tous les chrétiens doivent tendre avec la volonté et la grâce de Dieu. Pardonner et oublier ne veut pas dire qu’on est malade. Il est vrai qu’il n’est pas facile d’oublier le mal.
Mais il est aussi vrai qu’humainement parlant, il n’est pas facile de pardonner à son ennemi. Alors que le Christ nous enseigne cela.
Par conséquent, de même que le pardon du chrétien va jusqu’au pardon de l’ennemi, de même ce pardon inclut l’oubli. Car si le chrétien pardonne sans oublier, quelle est la différence entre lui et les païens ? Les païens en font autant.
Nous pensons qu’il faut aller au-delà de l’adage qui dit : “pardonner n’est pas un oubli”. Le chrétien doit dire : “pardonner c’est oublier”. Et cela est possible avec l’aide de Dieu. Car le pardon, c’est “par de là le don”, le pardon est donc un don. Raison pour laquelle le pardon est reçu de Dieu par la grâce. Dès lors, avant de pardonner, il faut s’ouvrir à cette grâce par la prière, pour pouvoir pardonner et oublier. Parce que la grâce de Dieu surabonde. Donc la différence dans le pardon du chrétien : c’est pardonner à l’ennemi, mais aussi pardonner et oublier.

”Oublier le mal est un chemin de sainteté” :

“Ce qu’il m’a fait, m’a trop blessé, ainsi, je ne peux pas oublier”. « Vous avez parlé, j’ai compris, je laisse tomber, mais je ne peux pas oublier”. Voilà comment nous réglons nos problèmes comme des païens. Non, c’est parce que tu as mal qu’il faut pardonner et oublier. Ta récompense se trouve dans cette douleur que tu ressens en pardonnant et en oubliant. Car c’est dans la douleur de la croix que le Christ te pardonne et oublie le mal que tu fais.

“Je pardonnerai, mais je n’oublierai jamais” :

Cette parole n’est pas chrétienne. Ne pas oublier, entretient des tensions et crée des rancœurs. Ne pas oublier tue les relations. Ne pas oublier ronge le cœur.
Le chrétien doit toujours dire : “je pardonne et j’oublie ». C’est une grâce de pardonner et d’oublier. C’est dans cette optique qu’avant de pardonner, il faut se remettre à Dieu, qui t’aidera à pardonner et à oublier. C’est difficile avec nos réflexions humaines, mais avec Dieu, c’est possible, car c’est lui qui demande aussi de pardonner à ses ennemis. Si tu demandes à Dieu d’oublier tes fautes et tes péchés, Dieu te demande aussi d’oublier le mal que tes frères et sœurs t’ont fait. Tel doit être notre premier principe durant ce temps de carême.

Que retenir  ?

Le fait d’accepter de pardonner est déjà un pas important, une grâce, un don venant de Dieu et reçu dans notre volonté. Pour que ce pardon soit total, faisons un second pas qui est celui de l’oubli. Le commun des mortels ne comprendra pas cela et traitera ceux qui oublient, de bêtes, d’inintelligents. Mais c’est cela la grâce de Dieu, la force de l’Esprit qui transforme, qui transfigure, qui refait et qui nous guérit.
Le fait d’oublier est une démarche spirituelle qui guérit, qui soigne, qui libère. Le pardon n’est pas de l’ordre de la psychologie, c’est de l’ordre de la grâce, du don. C’est pourquoi le psychologue athée ne peut pas comprendre le pardon chrétien, car les sciences humaines, aujourd’hui, diront que le fait d’oublier est une maladie. C’est en cela que le pardon du chrétien est diffèrent du pardon chez le païen. Dans le christianisme, ce n’est pas seulement le coupable qui pardonne et aussi le pardon inclut l’oubli. C’est cela le pardon christique ou christo-centré. Le pardon chrétien est donc un style.

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Père Marius Hervé Djadji
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