Qu’est-ce que l’œcuménisme ?

Aujourd’hui, au nom de la fraternité et de l’unité, un mot qui est beaucoup utilisé est l’œcuménisme. Tout le monde parle de l’œcuménisme. Au nom de l’œcuménisme, on veut tout faire, tout mélanger sans savoir d’où on vient et où on va. J’aimerais qu’on balbutie un peu « œcuméniquement ».
Qu’est-ce que l’œcuménisme ?
La question de l’unité des chrétiens à l’époque moderne est l’œuvre des confessions luthériennes et évangéliques qui depuis 1910 ont entrepris des initiatives pour le rassemblement des chrétiens dans un esprit d’unification et d’uniformité. Au niveau de l’Église catholique, en dehors de certains pasteurs, fidèles et théologiens qui militaient en faveur d’une communion véritable des Églises, elle a toujours mené la pastorale de l’uniatisme qui consiste au retour des orientaux orthodoxes dans l’Église mère et de l’unionisme qui consiste au retour dans l’Église catholique des protestants après le schisme du XVIᵉ siècle. C’est à partir de 1962, avec le concile Vatican II, que l’œcuménisme sera défini comme l’ensemble des efforts et des sacrifices consentis pour la recherche du dialogue en vue de l’unité des Églises chrétiennes séparées ou divisées. C’est cette définition qu’explicite le décret conciliaire Unitatis Redintegratio.

Du concile Vatican II à nos jours

Avec le Concile Vatican II, l’Église catholique va connaître un tournant dans sa conception de l’unité des chrétiens. L’œcuménisme n’est plus compris comme un retour des autres au bercail, mais comme une véritable communion. Car avec le concile Vatican II, l’Église catholique reconnaîtra que dans les autres confessions chrétiennes, puisqu’elles croient en la Trinité et utilisent la Parole de Dieu, il existe des richesses théologiques et spirituelles. Par conséquent, elle invite les catholiques à considérer les autres chrétiens orthodoxes, protestants, évangéliques comme frères.
L’œcuménisme est constitué de trois phases qu’on appelle des dialogues :

1 : le dialogue de charité ou « œcuménisme de charité
Ici, il est question de rassemblement de tous les chrétiens catholiques, orthodoxes, évangéliques pour une cause charitable. C’est le cas des groupes de religieux qui luttent pour la paix dans leur pays ou des chrétiens qui se réunissent pour pratiquer la solidarité. Au nom d’une foi commune, les chrétiens peuvent se retrouver pour aider. À l’approche des élections ou pendant des conflits, nous voyons des confessions se retrouver pour constituer des comités. Ce n’est que le dialogue de charité qui est une étape, un début.

2 : le dialogue spirituel
Ici, l’unité ou l’œcuménisme consiste à se mettre ensemble pour prier. Dans une école, des chrétiens de toutes les confessions peuvent se retrouver pour prier, chacun en gardant son identité. C’est le cas à l’origine du renouveau charismatique. C’est aussi ce qui se fait souvent pendant la semaine de l’unité. C’est-à-dire, catholiques et protestants et évangéliques se regroupent pour prier. Il n’est pas question que l’autre perde son identité en priant avec les autres. Il n’y a pas de confusion ni de mélange. Au niveau du dialogue spirituel, il faut donc retenir qu’il y a des limites qui dépendent de la troisième dimension de l’œcuménisme, qu’est le dialogue doctrinal. Aussi, il faut noter que pour des dialogues spirituels, pour des grandes rencontres de prière, il faut l’autorisation de l’évêque ou du curé, il faut l’accord des responsables des confessions. De même, il faut préciser qu’on s’arrête seulement à des rencontres de prière ponctuelles. Cependant, il faut noter que le catholique ne doit pas abandonner sa messe et les prières sur sa paroisse et, au nom de l’œcuménisme, se promener de temples en temples.

3 : Le dialogue doctrinal
Cet élément est très important dans l’œcuménisme et est même le miroir. Dans le dialogue de charité, on peut s’embrasser entre chrétiens, mais dans le dialogue doctrinal, tout est mesuré. Souvent, nous attendons de dire que nous croyons en un même Dieu, en son Fils, en l’Esprit, donc tout est permis. Non. Vous savez qu’au commencement, il n’y avait qu’une seule Église catholique et apostolique.

Ensuite, il y a eu des divisions du fait de la doctrine et aussi d’un contexte politique et culturel. Il existe ainsi des contentieux doctrinaux entre catholiques et orthodoxes, entre catholiques et protestants, entre orthodoxes et protestants. Dès lors, aujourd’hui, malgré le fait qu’on parle de l’unité, les contentieux doctrinaux demeurent. C’est pourquoi, dans les résultats des dialogues entre l’Église catholique et les autres chrétiens, nous ne sommes pas encore arrivés à l’unité totale, à la communion visible. Pour qu’il y ait l’unité totale, il faut que les trois étapes soient réunies. Les deux premières étapes sont faciles, mais dans la troisième phase, le dialogue théologique est compliqué.
Avec les Églises sœurs orientales, orthodoxes et orthodoxes du patriarcat œcuménique de Constantinople
Il existe un rapprochement depuis le Concile Vatican II. Au niveau christologique, avec les Orientaux orthodoxes, il y a eu des avancées. Mais concernant la doctrine du Filioque, la question des catholiques orientaux et la question de la papauté, l’Église catholique et les orthodoxes ne sont pas parvenues encore à un accord total. C’est pourquoi l’intercommunion n’existe pas encore. Donc, un catholique ne peut pas communier chez les orthodoxes et vice versa.
Au niveau de l’intercommunion, j’aimerais préciser ma pensée. L’Église catholique propose cela pour des raisons pastorales, avec les Orthodoxes. Mais dans la doctrine orthodoxe, il y a une opposition parce que pour les Orthodoxes, tant que l’unité physique, matérielle n’est pas effective, un catholique ne peut pas communier et recevoir des sacrements chez eux et un orthodoxe ne peut pas communier et recevoir les sacrements chez les catholiques. Alors qu’à ce niveau, l’Église catholique fait des ouvertures lorsque ses fidèles sont par exemple dans des situations auxquelles il n’y a que des Églises orthodoxes, ou dans les situations auxquelles l’orthodoxe se retrouve dans des endroits où il n’y a que des Églises catholiques.

Pour une question d’utilité, dans des situations difficiles, il peut y avoir intercommunion et réception réciproque des sacrements selon l’Église catholique. C’est ce que nous enseigne Unitatis Redintegratio et le canon 844. Cela ne veut pas dire que le catholique peut communier chez les orthodoxes quand il veut et comme il veut.
Catholiques et protestants, évangéliques
À ce niveau, malgré le dialogue amorcé et les échanges, il existe encore des points doctrinaux importants qui nous séparent. C’est le cas au niveau des sacrements. Les évangéliques et les protestants ne considèrent que le baptême et l’eucharistie comme sacrements. De même, au niveau de la célébration eucharistique, nous n’avons pas la même foi au niveau du corps et du sang du Christ. Pendant que le catholique croit que le Christ est réellement présent, le protestant parle d’un simple souvenir. C’est aussi le cas, au niveau des ministères ordonnés et de la succession apostolique qui ne sont pas reconnus chez les protestants et évangéliques.

Que retenir ?

En somme, malgré le fait de se regrouper pour des actes de charité et le fait de se mettre ensemble pour prier le même Christ, il existe entre l’Église catholique et les orthodoxes, les protestants ainsi que les évangéliques des différences radicales qui ne permettent pas une unité concrète et physique aujourd’hui. Les différences légitimes ont été surmontées, c’est pourquoi il y a un rapprochement. Donc, l’œcuménisme est une forêt dense qu’on ne peut pas comprendre facilement. Dans l’œcuménisme, il y a des gestes possibles et il y a ce qui n’est pas permis aujourd’hui. Ainsi, l’unité des chrétiens est une marche avec des escaliers, et elle trouvera sa fin peut-être à l’eschaton, à la fin des temps.
Actuellement, chaque Église œuvre pour cette unité sans tomber dans le relativisme doctrinal. Quand le pape ou les évêques et les patriarches, pasteurs s’embrassent devant les caméras, c’est beau, mais nous ne sommes que dans le dialogue de charité, dans ce que nous appelons en théologie le rapprochement, mais nous ne sommes pas dans la communion visible et parfaite, ce sont des gestes à encourager, mais il ne faut pas tomber dans le triomphalisme. En œcuménisme, le mot communion revêt plusieurs sens ainsi que le mot dialogue. C’est aussi le cas du mot accord. Il y a la communion imparfaite, la communion parfaite, visible et matérielle, c’est-à-dire le rassemblement dans une seule Église sous une même autorité.
Quand on parle d’accord, il faut voir à quel niveau se situe l’accord. Il peut avoir un accord sur un seul point doctrinal, il peut avoir ce qu’on appelle un consensus différencié, c’est le cas entre catholiques et luthériens au sujet de la justification. Autrement dit, on est d’accord sur tel aspect, mais il existe des différences que nous pouvons accepter. Aujourd’hui, il faut louer l’esprit d’unité et de dialogue entre religions, mais l’œcuménisme à ses règles, ses conditions. Chaque religion a ses principes au sujet de l’œcuménisme. L’œcuménisme, c’est une véritable forêt de Taï. C’est pourquoi chaque chrétien ne peut pas inventer son œcuménisme. Il faut aussi préciser que toutes les rencontres entre confessions ne sont pas œcuméniques.
Aussi, il faut retenir qu’on n’impose pas l’œcuménisme aux autres. On n’oblige pas une confession à dialoguer parce qu’on est fort. Le terrain de L’œcuménisme est passionnant, mais glissant. L’œcuménisme n’est donc pas l’anarchie, c’est de l’ordre.

  • Formation des laïcs en ligne (formation par mail et WhatsApp).

Tu veux connaître la doctrine catholique ?
Tu veux être formé en Bible, en spiritualité et en théologie ?

Inscrivez-vous à l’Espace de formation des laïcs en ligne, en faisant un mail à : lajoiedeprier.nguessan@yahoo.fr.

Rentrée académique 2024

Dernier délai des inscriptions : le 10 avril 2024.
Début des cours : 15 avril 2024.

NB : avec l’EFTL c’est la théologie qui vient à vous. Depuis 2017, nous formons de nouveaux laïcs.

P. Marius Hervé Djadji
Prêtre du diocèse de Yopougon (Côte d’Ivoire)
Professeur de théologie dogmatique
Contact : lajoiedeprier.nguessan@yahoo.fr